Chroniques de la connerie ordinaire

De maternage en maternement...


"Quoi que vous fassiez, vous le ferez mal !" S. Freud.


Egarée au Pôle femme-enfant de l'hôpital - il m'arrive de changer de secteur - je me suis également égarée (pas le moindre Gala en vue) dans la consultation du "Livre bleu", guide du 1er âge, 0-3 ans, élaboré par le très sérieux Comité National de l'Enfance, fort obligeamment abandonné à la discrétion des futures parturientes et autres pères à cran. Très bêtement, je ne le nie pas, je voulais me tenir informée de ce qui avait pu changer en un peu plus de huit ans maintenant. Comme si quoi que ce soit pouvait changer dans ce domaine... Je vous rassure, les premiers signes de la grossesse, les nausées, les varices et autres vergetures, la durée de la gestation, la fréquence des rendez-vous et échographies, tout cela n'a guère évolué encore. Je ne suis pas trop dépassée. Pourtant, une nouvelle tendance me fait dresser les cheveux sur la tête, enfin, façon de parler. Vous en ferez les frais, pardon. J'ai nommé le "maternage". En quelques mots pour les irresponsables retardataires qui préfèrent "Elle" au très sérieux magazine "Parents" :
- future maman, sainement, tu mangeras, avec exemples de menus à l'appui, du bio, des légumes. Tu proscriras évidemment tabac, alcool et excitants. Le mot "proscrire", je le copie, en gras. Où sont les "Il est interdit d'interdire ?"
- de biberon, tu ne donneras point, même pas en verre, même pas chauffé au bain-marie. Ton sein, tu livreras. Quoi que tu en penses, quoi que tu ressentes, c'est mieux pour bébé et pour toi aussi, y compris pour ta libido (là, j'ai dû rater un truc...) Et l'argument de choc, je te le livre tel quel (en gras aussi dans la brochure): c'est entièrement gratuit ! En ces temps de crise, ma foi, voilà qui porte...
- de poussette, tu ne t'équiperas pas. Ton bébé, tu le colleras à toi, non pas dans un porte-bébé (savais-tu qu'ils écrasent les organes génitaux ? criminelle !), mais dans une ceinture, que tu auras patiemment appris à nouer pendant que bébé hurle. Lové contre toi, après neuf mois en toi, il continuera de participer à tous les petits événements de ta vie, aller aux toilettes, se vernir les ongles de pieds, s'épiler les jambes, et, must du must, tu pourras l'allaiter à la demande, de manière très "discrète"(je cite).
- Tu banniras le berceau et privilégieras le "co-sleeping", ou "co-dodo" pour les franchouillards. Quand tu auras porté ton bébé toute la journée (cf. diktat précédent), tu l'installeras dans ton lit, entre son papa et toi, pour ne pas le perdre une seconde (pas le papa, cela va de soi). Je me repose la question de la libido... et Oedipe dans tout ça ? Bref. La valse à mille temps du nourrisson : après avoir couché les bébés sur le ventre, je suis la preuve vivante qu'on peut malgré tout y survivre ; sur le côté, coincés dans des cale-bébés ; puis sur le dos, depuis quelque temps maintenant, nous les coucherons donc sur le dos toujours, mais avec papa et maman qui prendront garde tout de même à ne pas l'étouffer malencontreusement au dernier temps... de la valse.
- De petits pots et autres Blédichef, tu ne le nourriras point. Mais aux fourneaux, avec ton bébé qui commence déjà à peser son poids contre toi, tu cuisineras des légumes bio & des viandes ad hoc. Tu prendras garde de ne pas le traumatiser en actionnant stupidement la fonction "mixer" de ton Baby-cook, tu préféreras la manivelle silencieuse du presse-purée, voire la fourchette, si ta maman a commis l'irréparable erreur de jeter l'objet susdit à la fin des années 70.
- Ses couches, tu laveras, Pampers, tu honniras. Rappelle-toi que tu es écologiquement responsable. Cependant, comme laver les couches en machine, en plus des vingt-deux pyjamas en coton équitable parsemés de purée de carottes bio et des bodies tachés de manière plus suspecte encore grâce aux couches lavables susnommées, ce n'est pas écolo, au lavoir, tu iras, avec bébé, cela va de soi.
- Congé parental, tu prendras, " si tu veux élever toi-même ton enfant" (je cite encore, à la page des modes de garde), ce qui va sans dire si tu suis à la lettre les commandements précédents. Où trouver le temps de bosser entre la purée et les couches ? Tu ne vas quand-même pas confier la chair de ta chair à un(e) inconnu(e) qui le mettra dans une poussette, voire un parc - pauvre p'tit bout en cage - et lui donnera des légumes surgelés ?

Chères lectrices éventuelles, chers lecteurs perdus en ce week-end ensoleillé, je détesterais que vous me taxiez de féminisme ringard - ma propre histoire, et c'est une autre histoire, m'interdit définitivement de revendiquer ce mot -, j'ai donc cherché, dans un souci d'objectivité, le sens de ce mot "maternage", dans mon Robert (rien à voir avec les mamelles précédemment évoquées) et je vous la livre, en guise de conclusion :
"Psychiatr., psychan. Technique de traitement des psychoses visant à recréer entre le patient et le thérapeute, sur le mode à la fois réel et symbolique, la relation de la mère et du nourrisson."

CQFD.