jeudi 16 septembre 2010

Chroniques de la connerie ordinaire

"Un con, ça ne se définit pas, il faut donner des exemples." Michel Audiard.

Ce n’était pas une illusion d’optique : le con revient en force, et bien reposé d’avoir dansé tout l’été. Malgré la conjoncture tristounette, il va bien, même très bien. Le con au volant atteint des sommets.
Conductrice effrénée d’une super KA qui passe partout, je suis arrêtée –il faut bien de temps en temps – à un stop derrière une voiture qui a manifestement l’intention de tourner à gauche, tout comme moi d’ailleurs, un vieux réflexe. J’attends sagement qu’il puisse s’engager. Derrière nous, un moteur qui rugit et un type qui aimerait, selon toute vraisemblance, lui, tourner à droite – tant mieux, nous n’avions rien à faire ensemble – et ne peut apparemment pas accéder instantanément à son désir, somme toute légitime, puisque je me refuse à emboutir le pare-chocs arrière du meneur de la troupe afin de le laisser passer. Je ne sais pas si vous me suivez ; je le reconnais : il y a un peu trop de mots dans la phrase précédente. Le mieux serait un croquis, mais je n’ai jamais de constat sur moi, ça porte la poisse, et de plus, je dessine très mal, surtout les voitures et les carrefours. Moi, je sais dessiner les chevaux, mais j’ai bien peur que ça ne vous embrouille davantage dans ce contexte plutôt urbain. Est-ce que votre assureur vous a déjà appelé(e)(s) parce qu’il ne comprenait rien au constat d’accident que vous lui avez envoyé ? Moi si.
Le moteur rugit derechef, un klaxon se manifeste, je perçois enfin un vague borborygme qui se termine par quelque chose comme « con ». Mon sang ne fait qu’un tour. D’accord, il le fait lentement en ce moment, mais il le fait quand-même. Je serre mon frein à main, allume mes feux de détresse et descends de ma voiture afin de lui demander de bien vouloir éclaircir sa pensée, au cas où il en aurait une.
_ Pardon, monsieur, je n’ai pas bien compris ce que vous me disiez…
Le monsieur en question est un jeune homme, pour ne pas dire un jeune con, de plus en plus manifestement en colère : il est tout rouge et la fumée s’échappe de ses oreilles.
_ Tu peux pas avancer un peu que je tourne à droite ???
Voici à peu près le sens de ses paroles que j’édulcore un peu tout de même par égard pour vous. Je m’apprête à lui demander ce que me vaut ce tutoiement, brusque mais néanmoins fort convivial, lorsqu’il poursuit sur sa lancée :
_ De toute manière, tu ne vois rien avec ton foulard !!! éructe-t-il pour conclure sa démonstration.
Là, chers lecteurs, je m’insurge. En effet, ma tête est ornée d’un chèche fort savamment noué – des heures d’entraînement quand-même et quelques mois d’expérience – mais j’évite généralement de le poser sur mes yeux, ce qui, certes, entraverait quelque peu ma visibilité. Puisque je vois le jeune con en question, son visage rouge et même ses oreilles enfumées, il paraît évident que le foulard en question n’a pas bêtement glissé de mon front au cours de mes pérégrinations diverses et variées. Je conclus donc qu’il y a confusion. Monsieur doit être contre le port du voile intégral, en tout cas au volant.
_ Bien, monsieur, vous souhaitez sans doute que je l’ôte ?
Peut-être prend-il une seconde pour me regarder, éventuellement une autre pour réfléchir, mais j’en suis moins convaincue. Toujours est-il qu’après une marche-arrière savante, il file sans demander son reste. Le con serait-il couard ?
Plutôt qu’un délit de sale gueule : par les temps qui courent, je comprendrais qu’on m’en fasse le reproche tout à fait mérité, je prends un flagrant délit de foulard. Heureusement que l’exiguïté de mon véhicule interdit de penser que je me promène avec ma maison sur le dos, on pourrait aussi m’accuser de nomadisme. De là à être « déchue »…

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