Paul Eluard, Le livre ouvert, 1938-1944.
Nous avons tous deux nos mains à donner
Prenez ma main je vous conduirai loin
J'ai vécu plusieurs fois mon visage à changé
A chaque seuil à chaque main que j'ai franchis
Le printemps familial renaissait
Gardant pour lui pour moi sa neige périssable
La mort et la promise
La future aux cinq doigts serrés et relâchés
Mon âge m'accordait toujours
De nouvelles raisons de vivre par autrui
Et d'avoir en mon coeur le sang d'un autre coeur
Ah le garçon lucide que je fus et que je suis
Devant la blancheur des faibles filles aveugles
Plus belles que la lune blonde fine usée
Par le reflet des chemins de la vie
Chemin des mousses et des arbres
Du brouillard et de la rosée
Du jeune corps qui ne monte pas seul
A sa place sur terre
Le vent le froid la pluie le bercent
L'été en fait un homme
Présence ma vertu dans chaque main visible
La seule mort c'est solitude
De délice en furie de furie en clarté
Je me construis entier à travers tous les êtres
A travers tous les temps au sol et dans les nues
Saisons passantes je suis jeune
Et fort à force d'avoir vécu
Je suis jeune et mon sang s'élève sur mes ruines
Nous avons nos mains à mêler
Rien jamais ne peut mieux séduire
Que notre attachement l'un à l'autre forêt
Rentrant la terre au ciel et le ciel à la nuit
A la nuit qui prépare un jour interminable
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