Dès les tous premiers mois, des évènements inquiétants se produisent, qui donnent à penser que le monde connaît un dérèglement majeur, et dans plusieurs domaines à la fois - dérèglement intellectuel, dérèglement financier, dérèglement climatique, dérèglement géopolitique, dérèglement éthique.
Il est vrai que l'on assiste aussi, de temps à autre, à des bouleversements salutaires inespérés; on se met alors à croire que les hommes, se voyant dans l'impasse, trouveront forcément, comme par miracle, les moyens d'en sortir. Mais bientôt surviennent d'autres turbulences, révélatrices de tout autres impulsions humaines, plus obscures, plus familières, et l'on recommence à se demander si notre espèce n'a pas atteint, en quelque sorte, son seuil d'incompétence morale, si elle va encore de l'avant, si elle ne vient pas d'entamer un mouvement de régression qui menace de remettre en cause ce que tant de générations successives s'étaient employées à bâtir.
(...)
Ma critique porte sur la pratique séculaire de ces deux "aires de civilisation" (l'orient et l'occident, note de la (l'in ?)"citatrice"); et elle touche même, je le crains, à leur raison d'être. Le fond de ma pensée étant que ces vénérables civilisations ont atteint leurs limites; qu'elles n'apportent plus au monde que leurs crispations destructrices; qu'elles sont moralement en faillite, comme le sont d'ailleurs toutes les civilisations particulières qui divisent encore l'humanité; et que le moment est venu de les transcender. Soit nous saurons bâtir en ce siècle une civilisation commune à laquelle chacun puisse s'identifier, soudée par les même valeurs universelles, guidée par une foi puissante en l'aventure humaine, et enrichie de toutes nos diversités culturelles; soit nous sombrerons ensemble dans une commune barbarie."
Le dérèglement du monde, Amin Maalouf.
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