lundi 13 septembre 2010

Chroniques de la connerie ordinaire

Mon cher Jean-Paul, si tu m’entends, ce texte t’est tout spécialement dédié.

J’ai beau avoir la nausée et parfois les mains sales, vivre le plus souvent à huis clos, admettre à regret et plus souvent qu’à mon tour que « l’enfer, c’est les autres », ne vous y trompez pas : ce n’est pas le même Jean-Paul, rien à voir. Perso, je suis très moyennement philosophe, mais il y en a par ici qui font ça très bien. Mon Jean-Paul à moi, je ne sais même pas s’il est petit avec de grandes oreilles et des yeux globuleux derrière des loupes en guise de lunettes, je ne sais pas non plus s’il fraye à Saint Germain-des-prés. Mon Jean-Paul à moi, je ne l’ai entendu qu’au téléphone, mais, on peut le dire, suffisamment longtemps pour que nous soyons intimes.
Dimanche soir, 21 heures, conversation palpitante au téléphone (je ne dévoilerai rien de mon interlocutrice, elle n’y est pour rien), quand, pouf, plus rien. Pas de réponse, pas de bip, rien, silence sur toute la ligne. Je ne me démonte pas, en grande aguerrie des merdouillles de connexion en tous genres, je vais bricoler la Neufbox. Pas de publicité gratuite, y a la même chez Orange, j’imagine. Patiemment, j’éteins, je rallume, je débranche, je rebranche, je change même de prise, au cas où on se serait aussi fait avoir par l’électricien, je m’arme d’un cure-dent pour enfoncer la touche « reset ». Bref, j’applique les bons conseils déjà prodigués par les précédents interlocuteurs de chez AOL/Neuf/SFR. La boîte magique me sort des couleurs qu’elle n’avait jamais produites, et vu qu’on est encore très loin de Noël, je prévois que ce n’est pas bon signe. En effet, après avoir brillé de tous ses feux quelques instants dans un splendide violet que je ne lui connaissais pas, elle expire. Définitivement. Soit, c’était donc le bouquet final. Bien. Il me reste donc mon cher mobile pour appeler les secours.
Je vous passe les « jingles » mélodieux qui m’ont percé le tympan droit, on s’en fout, j’en ai un autre, comme tout le monde, et les diverses touches #, 1, 2, 3, re-#, etc. Enfin, je tombe sur ce que je crois être la voix d’un être humain – avec le recul, je n’en suis plus très sûre.
La voix donc :
_ Bonsoir, Jean-Paul, à votre service.
J’expose donc mon problème à Jean-Paul. Or, à chaque fois que je termine une phrase, Jean-Paul ne dit rien, ou presque. De temps en temps, je répète : « Allo… » Jean-Paul a la condescendance de me signifier qu’il est toujours là, par un bref grognement. Mon exposé terminé, feu d’artifice compris, je lance un timide :
_ Allo… alors ? C’est grave, docteur ?
_ Bien, Madame, votre box est-elle branchée ?
Aïe. Je viens pourtant de lui expliquer toutes mes tentatives infructueuses.
_ Oui, Monsieur, elle est branchée.
_ Très bien, ouvrez une page internet (il est con ou quoi ?), et tapez dans la barre d’adresse : 192.168.1.1.
_ Je ne peux pas, c’est même pour ça que je vous appelle.
_ Tapez 192.168.1.1.
Je m’exécute, vaincue par une telle opiniâtreté. Evidemment, rien, « Internet ne peut afficher la page, diagnostiquer les problèmes de connexion ». Tu vois, Jean-Paul, j’avais raison, lui dis-je. Non mais.
_ Recommencez.
Me voilà un tantinet énervée, Jean-Paul. Non, je ne recommencerai pas. Le voilà qui change son fusil d’épaule :
_ Vous avez bien reçu votre modem en juillet dernier ?
_ Eh bien non, c’était un décodeur télé (juste pour la Coupe du Monde, l’ancien nous avait abandonnés).
_ Ah…
Blanc.
Au bout de quelques secondes, il reprend vaillamment :
_ Vous avez un décodeur tv ?
Jean-Paul se fout de ma gueule, pas possible autrement.
_ Oui, tout Neuf (sans jeu de mot), vous me l’avez envoyé en juillet.
_ Bien, allez chercher le cordon d’alimentation du décodeur et mettez-le sur le modem.
_ Pas la peine, ce n’est pas la même fiche.
_ Essayez quand-même.
Bien. On ne pourra pas dire que je suis de mauvaise volonté. Evidemment, ce n’est pas la même fiche. Jean-Paul, j’ai encore raison.
_ Vous dites que votre modem ne s’allume pas du tout ?
_ C’est cela, oui, depuis environ vingt minutes maintenant que je vous le répète, c’est exactement cela.
_ Bien, Madame, votre box est-elle branchée ?
Je suis au regret de vous confirmer que Jean-Paul, s’il travaille pour Neuf, n’a pas la Déesse Aile.
_ Non, monsieur, je pédale à côté depuis une bonne demi-heure maintenant, et je commence à fatiguer, ça doit être pour ça.
Re-blanc.
Il n’a pas d’humour non plus.
_ Bien, on va vous envoyer un cordon d’alimentation (tout Neuf ?).
_ Non, non, non, je n’en veux pas de votre cordon… Imaginez que ce soit autre chose comme panne et j’en prends encore pour une semaine. Niet, rien à faire. Vous m’envoyez un modem complet tout de suite maintenant, en Chronopost, et je le veux demain.
Vous ne vous en rendez pas compte mais je suis au bord de l’apoplexie à force de pédaler comme ça.
_ Je vais prendre votre adresse et le nom de votre banque. Patientez un instant.
_ Vous rêvez, le nom de ma banque ??? Vous me prélevez quarante euros par mois ? Et vous ne connaissez pas le nom de ma banque !!! et puis « patientez un instant », vous êtes gentil mais je vous envoie la facture de mon portable aussi. Après tout, SFR et Neuf, c’est la même maison, non ?
Là, je suis un peu plus agacée, j’en conviens, j’ai un problème de souffle. A ma décharge, je reçois environ dix fois par jour (enfin, du temps heureux où j’avais encore internet) des messages de crapules qui, sous le logo de Visa et sous des prétextes vaseux qui plus est mal orthographiés, tentent de m’extorquer mes coordonnées bancaires. Effaré par tant de hargne, Jean-Paul s’écrase et me recolle comme ça, sans prévenir, le jingle SFR. Deuxième tympan.
Définitivement out, je renonce et je refile le bébé à qui de droit. Qui de droit a réussi, fort brillamment, à comprendre que Jean-Paul nous expédiait un modem dans un délai de sept jours ouvrés.
P… ! sept jours ! Jean-Paul est fou, il ne se rend pas compte. Pourquoi ne pas me confisquer mes clopes pendant qu’il y est ?
Chapeau, Jean-Paul, t’es trop fort, à côté, à la CAF, à la Sécu, à la Poste, que dis-je, même au Rectorat, c’est tous des blaireaux, ils ont des leçons à prendre avant de répondre au téléphone… un petit effort, Jean-Paul, tu peux passer les concours de la fonction publique, tant qu’il en existe encore une, tu es carrément au point.

1 commentaire:

Cécile Long a dit…

tu devrais te faire publier, je suis plus que FAN !!!!! des bisous plein