lundi 1 novembre 2010

Chroniques de la connerie ordinaire



Diplôme rance.

Mon cher Ministre,

Le temps passe et je manque à tous mes devoirs, notamment celui de répondre aux courriers reçus du Ministère de l'Education nationale la semaine dernière.
Le premier date de septembre 2010 et s'intitule "Le pacte de carrière". Je regrette de ne le recevoir que fin octobre. Apparemment, je ne suis plus trop dans le coup, visiblement "has been", ce qui est un des inconvénients des affections de longue durée. Il faut améliorer "la qualité de la relation qui nous unit". Je suis entièrement d'accord, on peut difficilement faire pire. En revanche, elle ne nous unit pas tous de la même façon. Par exemple, "celles et ceux d'entre vous qui débuteront cette année bénéficieront d'une rémunération améliorée de plus de 10% par rapport à leurs aînés". Malheureusement, je compte parmi les aînés. Foin d'avarice et de mesquinerie. Des "actions concrètes" sont prévues pour les aînés aussi. Nous avons le loisir de formuler une demande de DIF (chouette, encore une nouvelle abréviation !), je traduis : Droit Individuel à la Formation. Formation qui nous est proposée pendant les congés scolaires et pourra donner lieu à une allocation de formation. Depuis le temps qu'on répète sur tous les tons que nous sommes payés à rien foutre, voilà qui redore sensiblement et notre blason et nos étrennes. Je suis très heureuse d'apprendre également que notre métier est "vécu comme plus difficile". La question est de savoir "plus difficile"... que quoi ? Il "évolue" nous dit-on plus loin. Du coup, nous est proposé un "plan santé et bien-être au travail" et notamment un bilan, à notre demande, à l'âge de 50 ans, soit, compte-tenu de la récente réforme des retraites, environ à mi-carrière. Des médecins supplémentaires sont même recrutés pour veiller sur nos petites personnes, alors que le mot "recrutement" est actuellement apparenté à une insulte dans la fonction publique. Là encore, je suis enchantée par cette initiative, non pas que j'aie déjà l'âge requis, hélas, je ne suis pas encore assez "aînée", mais peut-être pourrai-je à l'avenir espérer une réponse, même succincte, des services médicaux de l'institution. En effet, mes appels téléphoniques du mois de mai dernier, sans parler des courriers électroniques, sont pour le moment restés lettre morte.
Toutefois, j'ai également eu la chance de recevoir vendredi dernier un deuxième courrier, personnel cette fois, en recommandé, s'il vous plaît. Je ne sais pas toi, mais personnellement, je n'aime ni les recommandés, ni les uniformes au bord de la route : je me sens illico coupable. Celui-ci me valut de me ronger les ongles qui me restent jusqu'au lendemain. Je me précipitai à la poste, mon récépissé jaune à la main et la peur au ventre. J'ouvris fébrilement, sur le champ, l'enveloppe kraft et cartonnée dont l'expéditeur est le Rectorat. Je me voyais déjà virée. Je cherchais une cause et je n'en trouvais que trop : ma correspondance effrontément publiée sur ce blog ? mes mois d'absence ? ma progressive déliquescence qui fait que, sans doute, je ne pourrai peut-être pas atteindre l'âge canonique de 67 ans ? Et là, à ma grande stupeur, je découvre que je suis officiellement diplômée, même pas de la "Noix d'honneur". Pour de vrai. D'un examen que j'ai passé il y a aujourd'hui un peu plus d'un an et demi. Qui porte, qui plus est, un joli nom, de ceux qu'on affectionne dans l'Education nationale, le 2-CASH, soit pour les néophytes : Certificat Complémentaire pour les Enseignements Adaptés et la Scolarisation des élèves en situation de Handicap ; ça en jette sur un diplôme, je peux te le dire, j'hésite même à le faire encadrer, mais je peux attendre encore une petite année, histoire de rester en avance sur les services de notre bien-aimée institution. Cet examen, un peu confidentiel, il faut en convenir, nous sommes une petite vingtaine à le passer chaque année rien que notre académie, qui, ce n'est pas pour me vanter, est la plus étendue de toute la France. Je salue ici la célérité et l'efficacité de notre institution qui nous fait parvenir, et ce avant l'âge de la retraite, le résultat de nos efforts. Cependant, grâce au fameux "pacte de carrière", tout va changer : "dans chaque académie, les conseillers mobilité carrière auprès des DRH [sic] vous aident et vous accompagnent dans la définition de votre projet." J'ai hâte d'avoir un vrai projet. Enfin.

Permets-moi, mon cher Ministre, de t'assurer de mes sentiments les plus vifs.

L'impétrante, AST

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