jeudi 9 décembre 2010

Chroniques de la connerie ordinaire

Gardons le rythme : un pas en avant, deux en arrière.

Mon cher Ministre,

Tout d'abord, mes chaleureuses félicitations d'avoir échappé à la valse du dernier remaniement annoncé et préparé en grande pompe le mois dernier pour aboutir à un misérable flop. A mon humble avis, toutefois, tu avais trois avantages non négligeables : ne pas être une femme, ni ministre d'ouverture et qui plus est fort discret dans la tourmente, comme toujours.
On parle beaucoup d'éducation cette semaine. Je ne sais pas ce qui se passe, peut-être que petits et grands attendent toujours le Père Noël avec impatience. Les chiffres de l'OCDE ne sont guère flatteurs pour notre éducation. Enfin, passons, nous sommes dans la "moyenne", je ne vois pas de quoi on pourrait se plaindre. En revanche, il paraît que les inégalités à l'école se sont creusées. Tu m'étonnes... ce n'est pas qu'on ne fasse rien pour ça. En tout cas, ça marche plutôt bien. On se donne beaucoup de mal à supprimer la carte scolaire, à éliminer tous ces postes d'enseignants qui ne servent à rien, à ne plus former les maîtres, qui sont légèrement désorientés, les pauvres. N'y revenons pas, cette politique donne des résultats, c'est l'essentiel. Il était temps.
Tous ces changements de rythme, moi, ça m'épuise. Il y a à peine deux ans, semaine de quatre jours dans le primaire. Au prétexte de rendre aux parents leurs sacro-saintes fins de semaines, on supprime le samedi matin et tant qu'on y est le mercredi (sans explication, vous le noterez au passage, pour le grand bonheur des centres de loisirs, peut-être ?). On ré-invente le soutien, cautère sur une jambe de bois pour les enfants dont les difficultés sont dites persistantes, pauvres gosses, z'avaient qu'à pas persister, et on en profite pour rayer de la carte (scolaire) les réseaux d'aide, qui ne servent par conséquent, en un tour de passe-passe, plus à rien. On impose aux gamins, dès la maternelle, des journées de 6 heures, suivies dans certains cas, des fameuses heures de béquille. Et voilà qu'hier, les parlementaires s'aperçoivent que, quand même, les enfants sont fatigués, que cette réforme a été pensée par des adultes, pour des adultes. Belle découverte quand les enseignants, qui passent leur temps libre - et tout le monde sait s'ils en ont, bien sûr - à se mêler de ce qui ne les regarde pas, à savoir des gamins qu'on a l'inconscience de leur confier, ont clamé pendant deux ans que deux lundis dans la semaine, ça faisait un peu beaucoup ; quand ces mêmes enseignants ont été relayés par des spécialistes de l'éducation, et pour n'en citer qu'un, Philippe Meyrieu. Bref, machine arrière toute. Plouf-plouf : on efface tout et on recommence. On dirait qu'on n'a pas fait une boulette. Que fait-on du soutien ? On ne va quand même pas rendre aux réseaux d'aide leur rôle indispensable ? Il ne faut pas me la faire à moi, je ne crois plus au Père Noël. Décision au printemps, attendons donc et les bourgeons et l'éclosion de la pensée institutionnelle [sic].
Quant aux sacro-saintes (elles aussi) vacances d'été, au risque de me mettre à dos une grande partie de mes collègues, aïe ! tant pis je ne suis plus à ça près... il me paraît évident qu'elles sont trop longues et qu'une réorganisation complète du calendrier scolaire annuel s'impose depuis des lustres. Deux mois, quand les enfants et leurs parents ont la chance de pouvoir partir, admettons. Deux mois passés entre la console, la télé, internet, les quelques copains restés eux aussi, le terrain de basket, c'est déjà moins enthousiasmant, et ce sont évidemment toujours les mêmes catégories de population qui trinquent. Tiens, on reparle d'inégalité... Deux mois + un mois de rentrée à se remettre au boulot et à reprendre tout ce qu'on a fait l'année précédente, bof bof. Deux mois d'été, puis quelques malheureux dix jours à la Toussaint pour souffler pendant la période de l'année où l'on est le plus fatigué, non, en effet. Les arguments ne manquent pas. Et pourtant, depuis des années qu'on pose et repose la question, le calendrier ne bouge pas d'un pouce. On rogne à droite à gauche, juste pour signifier encore une fois que les profs sont des fumistes, sans rendre plus efficace le dernier trimestre malgré les récentes tentatives de "reconquête" du mois de juin, ce qui n'a absolument aucun sens pour les élèves, souvent déjà orientés ou "examinés", mais ajoute des heures de présence aux enseignants, - et je dis bien : présence. Avant de s'attaquer à la légendaire fainéantise du corps enseignant qui passe, c'est bien connu, la moitié de son année à préparer l'autre, j'ai nommé : les vacances, peut-être pourrait-on interroger à ce sujet les lobbies du tourisme. Qu'en pense Pierre, de Pierre & Vacances ? Et les patrons de campings, d'hôtels, de restos... ? Si mes souvenirs sont exacts, quand on a voulu supprimer le lundi de Pentecôte, au prétexte de sauver les quelques malheureux miraculés de la canicule, les Gentils Organisateurs de vacances et week-ends en tous genres n'ont pas été les derniers à crier le plus fort... Depuis, le pont a été rétabli, en douceur, chacun fait comme et quand il veut sa petite journée de solidarité et les poules sont bien gardées, à la plage et en terrasse de café, c'est mieux. D'ici à brimer juillettistes et /ou aoûtiens comme on les appelle sur les ondes tout au long de l'été passé dans les embouteillages de l'A6... Moi, c'est par pour la ramener, hein, mais c'est pas gagné.
Bon courage, donc.

Estivalement tienne en cette période de grands frimas,

AST

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