jeudi 9 décembre 2010

Un jour (mon prince ?) viendra...


Il est des instants fulgurants, inattendus, dont la vague familarité avec soi-même laissent entrevoir cet être qui perdure, contre vents et marées, à l'insu de ce monde que l'on construit pour s'oublier...

Ma rencontre littéraire avec Isabelle Eberhardt fut de ceux-là.

Nulle autre qu'elle, par sa vie, ses pensées, ses rêves partiellement assouvis, son écriture précise, incisive, sensible, et dont l'amour du monde semble sans limites, n'a réussi jusqu'à maintenant à reveiller cette petite fille rêveuse (idéaliste, d'aucuns diront...) qui sommeillait depuis trop longtemps au fond de mon âme : "nomade j'étais, quand toute petite je rêvais en regardant les routes, nomade je resterai toute ma vie, amoureuse des horizons changeants, des lointains encore inexplorés."

Cette femme qui aurait adoré être un homme, pour fuir à la fois cette punition terrestre du regard masculin sur le sexe "faible" et les dangers incessants qu'il comporte pour celle qui se veut nomade - se faisant raser la tête et endossant le costume bédouin, afin de brouiller les pistes de sa vie et de son âme libre de toute convention - cette amoureuse de l'orient, élevée dans une famille riche, cultivée, libertaire de part son mode de vie, cette rêveuse d'origine russe née en Suisse, portant le sceau de cet irrémédiable déracinement, a su faire de ses plus grandes souffrances existentielles une force infinie et un profond amour des mots, du monde et de la justice. Cette femme pourrait être moi. Elle le sera, autrement, et ailleurs, un jour prochain, à n'en pas douter.

Morte à vingt-sept ans dans la crue de l'Oued algérien où elle résidait, et alors même qu'elle venait de convoler avec celui qui était "l'amour de sa vie", Isabelle Eberhardt représente ce qui me semble être bien plus que l'essence d'une vie : la liberté, la solitude, mêlée au partage, l'errance volontaire, parcourant le monde, le nôtre, le seul que l'on puisse traverser de part en part, oubliant la peur et la possession, allant à la rencontre d'une identité qui se forge au gré des rencontres. Sa courte vie n'aura laissé que peu de traces littéraires. Mais elles sont toutes de qualité. En particulier lorsqu'on les aborde à l'aune de ce qu'elle s'est donné elle-même - et elle seule - la possibilité de vivre.

Isabelle Eberhardt
Tout à la fois miroir de mon âme
Et fenêtre sur le monde.
Bien à toi,

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